Pourquoi ce blog ?

J e n’avais pas prévu de le faire : Moi, mes livres et l'ailleurs. C réer un blog, me dévoiler, entretenir un espace semi-public où je ...

dimanche 20 juillet 2025

Départ en vacances 2025


Sur la route… enfin !

Demain, c’est le grand départ.
Un mois d’évasion, d’imprévus, de paysages changeants, d’aventures en camping-car. Le genre de parenthèse qu’on attend toute l’année. Cette fois, cap sur l’Italie ( Encore ? Oui j'aime l'Italie !), la Suisse et l’Allemagne. Trois pays, des kilomètres de découvertes, et surtout… du temps.

12 jours à partager avec les enfants, à vivre à leur rythme, à s’émerveiller ensemble. Puis 17 jours rien qu’à deux. Pour se retrouver, respirer, savourer. Une pause bien méritée.

Je partagerai ici mes impressions, les lieux que j’aurai aimés… ou pas (promis, je ne me priverai pas de râler un peu si besoin 😄). Les paysages, les petits bonheurs, les imprévus du voyage, les moments drôles, les galères qui feront de bons souvenirs plus tard…

Bref, un carnet de bord sans filtre.
À demain, sur les routes…




mercredi 16 juillet 2025

Les gens ne se comprennent plus


On se parle tous les jours.
Par message, par vocal, par mail, par bribes entre deux portes.
Mais… est-ce qu’on se comprend encore vraiment ?

On croit s’expliquer, on croit être clair.
Mais il y a ce ton mal interprété, ce mot de trop, ce silence qui blesse.
Et puis l’autre répond avec ses propres blessures, ses filtres, ses doutes.
Alors on s’éloigne.
À petits pas. Sans même s’en rendre compte.

Un malentendu.
Un non-dit.
Une phrase mal placée.
Et parfois, c’est toute une relation qui s’effondre.

On vit dans un monde où tout va vite.
Où on pense à répondre plutôt qu’à comprendre.
Où on suppose. On projette. On interprète.
Mais on n’écoute plus. Vraiment.

On oublie que les mots sont fragiles.
Que chacun porte son propre dictionnaire intérieur.
Que ce que je dis ne veut pas toujours dire ce que tu entends.
Et que ce que tu ressens ne veut pas forcément dire que j’ai voulu te blesser.

On manque de patience.
De douceur.
De silence pour laisser la place à l’autre.

Et pourtant… tout pourrait être plus simple.
Une phrase sincère. Une question posée calmement.
Un “Je ne t’ai pas compris, tu peux m’expliquer ?”
Un “Je t’écoute. Vraiment.”
Juste ça.

Parce que la communication, ce n’est pas avoir raison.
C’est vouloir rester en lien, même quand c’est inconfortable.
C’est faire le choix de la relation plutôt que celui de l’orgueil.

Alors peut-être qu’il faudrait réapprendre à parler.
Et surtout… réapprendre à se comprendre.






dimanche 13 juillet 2025

Et si on écoutait vraiment?

Il y a des silences plus bruyants que mille discours.
Et des paroles balancées à toute vitesse qui ne veulent plus rien dire.

Aujourd’hui, tout le monde parle. Fort. Vite. Trop.
On donne son avis avant même qu’on l’ait demandé.
On coupe la parole. On répond avant d’avoir entendu.
On parle pour réagir, pas pour comprendre.
Comme si écouter, vraiment écouter, était devenu une faiblesse.

Je ne sais pas vous, mais moi, ça me fatigue.

Je rêve d’un monde où on laisse finir une phrase sans soupirer.
Où on ne détourne pas le regard quand quelqu’un parle avec le cœur.
Je rêve d’un monde où les enfants apprennent autant à écouter qu’à s’exprimer.
Où on ne confond pas "avoir raison" et "écraser l’autre".

L’écoute, la vraie, c’est un art.
C’est se taire sans s’effacer.
C’est ouvrir son cœur sans se perdre.
C’est offrir une présence, pas une solution.
Et parfois, c’est juste ça qu’on attend : quelqu’un qui reste là, vraiment là, sans jugement ni distraction.

Parce qu’au fond, on a tous ce besoin-là : être entendu. Vraiment.
Pas validé, pas corrigé. Juste accueilli dans ce qu’on vit.

Alors peut-être qu’il faudrait réapprendre.
Réapprendre à se taire un peu plus souvent.
À poser des questions sans avoir peur des réponses.
À regarder dans les yeux. À laisser un silence s’installer sans vouloir le remplir.

Parce que dans ce silence-là, parfois… il y a tout.
Et c’est là que commence l’humanité.

dimanche 6 juillet 2025

Noé

Elle avait fui à l’aube, portée par un train aussi lent que ses pensées. Derrière la vitre, les paysages se succédaient sans accrocher son regard. Tout semblait flou, même les heures.
Dans sa valise, presque rien : quelques vêtements froissés, un carnet noir qu’elle n’ouvrait plus, et une photo oubliée entre deux pages — comme on glisse une écharde dans un livre pour ne pas la sentir.

Elle était venue là où le monde semblait s’arrêter.
Un village posé au bord de la mer, minuscule et silencieux, figé comme une carte postale oubliée. L’air y sentait le varech, les embruns, et cette odeur d’humidité douce qui colle à la peau et aux souvenirs.

Elle avait loué un studio à flanc de falaise. Pas pour la vue, non. Pour le vent. Ce vent qui passait sous les portes, entre les murs, comme s’il voulait la traverser toute entière.

Le matin, elle partait à pied, sans but.
Ses pas s’enfonçaient dans le sable encore humide. Elle aimait cette sensation : le sol qui cède un peu, comme un monde qui accepte enfin de fléchir.
Autour d’elle, rien que la mer, immense et vivante. Elle la regardait longtemps, jusqu’à sentir le sel sur ses lèvres, jusqu’à ce que ses yeux piquent — était-ce le vent, ou autre chose ?

Parfois elle ramassait un coquillage, le gardait dans la paume comme un secret, puis le lançait au loin.
Parfois, elle parlait tout bas. Pas à quelqu’un. Pas encore.
Mais la mer, elle, ne jugeait rien. Elle savait garder les silences.

Les jours passaient, indistincts. Elle ne les comptait pas. Elle se contentait de marcher. De respirer. De survivre, peut-être.

Un matin, pourtant, quelque chose changea.
Ce fut presque rien. Un craquement dans le silence. Une présence.
Elle s’était arrêtée au bout de la jetée, les mains dans les poches, le front contre le vent. Et quand elle se retourna, il était là.

Un homme, la cinquantaine peut-être. Grand, un bonnet sur les oreilles, une barbe poivre et sel mal taillée. Il ne dit rien, ne sourit pas. Il la salua d’un simple signe de tête, sans insister, puis s’assit un peu plus loin, sur un banc de pierre, les yeux fixés sur l’horizon.

Elle aurait pu partir.
Mais elle resta.

Le lendemain, il était là encore. Même endroit, même heure.
Et les jours suivants aussi.

Ils ne se parlaient pas. Pas encore. Mais quelque chose se tissait.
Un fil fragile, invisible, tendu entre deux solitudes.

Elle apprit à reconnaître sa silhouette de loin. À deviner, à sa posture, s’il avait bien dormi. À entendre, dans le froissement de son blouson, une forme de constance rassurante.
Il lui rappelait les vieux pins battus par le vent : un peu cabossé, mais debout.

Ce fut lui qui, un jour, brisa le silence.

— Elle est changeante, la mer, dit-il en regardant les vagues. Mais elle rend tout ce qu’on lui confie.

Elle ne répondit pas. Pas tout de suite.
Puis elle dit, très bas :

— Pas toujours.

Les jours suivants, ils échangèrent à peine plus. Un mot, parfois deux. Mais leurs silences étaient pleins. Pleins de respect, d’échos, d’une forme de reconnaissance muette.

Elle ne savait rien de lui. Pas son nom. Pas ce qu’il faisait là.
Mais elle savait la façon qu’il avait de regarder l’eau comme on écoute une prière.
Et il semblait comprendre, sans poser de questions, qu’elle n’était pas prête.

Un matin, elle arriva avant lui. Le vent était plus fort que d’habitude, chargé d’embruns et d’une odeur de goémon. Elle s’assit sur le banc de pierre, ferma les yeux.
Elle ne pleurait plus depuis longtemps. Même cela lui avait été arraché. Mais ce jour-là, elle sentit une larme unique couler le long de sa joue. Une larme salée, indiscernable de l’air marin. Elle ne l’essuya pas.

Il arriva plus tard, s’assit doucement à côté d’elle, à une distance juste.
Et sans tourner la tête, il dit :

— Il y a un petit cimetière, en haut de la falaise. Très ancien.
Le vent y chante différemment.

Elle tourna lentement les yeux vers lui.

— Pourquoi me dire ça ?

Il haussa à peine les épaules.
— Parce que moi aussi, je viens ici pour ce que la mer n’a pas pu emporter.

Un silence plus profond s’installa. Il ne l’écrasa pas. Il les enveloppa.

Elle murmura :

— Il s’appelait Noé.

Puis, plus bas, comme si le vent n’avait pas le droit de l’entendre :

— Il avait six ans.

Elle n’attendait pas de réponse. Pas de consolation. Juste le droit de dire son prénom à voix haute, là, au bord du monde, sans que cela casse l’air en deux.

L’homme ne bougea pas. Il laissa la mer répondre, à sa manière : une vague plus forte, une rafale, le cri rauque d’un goéland.

Puis il glissa la main dans sa poche, en sortit un galet lisse, blanc, légèrement veiné de bleu. Il le posa sur le banc, entre eux.

— J’en ramasse un à chaque passage ici, dit-il. Je les garde chez moi.
Un pour chaque jour où je choisis de rester debout.
Celui-là, il est pour vous. Si vous voulez.

Elle le prit sans un mot, le serra dans sa paume. Il était tiède, comme s’il avait gardé la chaleur de sa poche, de sa présence.

Le soir-même, de retour dans son studio, elle posa le galet sur la table. Elle le regarda longtemps. Puis elle alla chercher son carnet noir, resté fermé depuis des semaines. Elle l’ouvrit.
La première page était vierge. Elle y écrivit :

“Je suis encore là.
Et toi aussi, quelque part.
Alors je vais essayer.”

Elle reposa le stylo. Ferma les yeux. Écouta la mer cogner doucement contre la falaise, comme un cœur obstiné.

Ce n’était pas une victoire. Ni une fin.
Mais c’était un début.


Elle n’était pas repartie tout de suite.

Elle avait prolongé son séjour de quelques jours. Pas pour fuir encore, mais pour apprivoiser ce qu’elle ressentait. Il y avait toujours ce vide, là, niché sous la cage thoracique. Mais elle ne le combattait plus. Elle le regardait comme on regarde une vieille cicatrice : avec douceur, avec respect.

Elle marchait toujours le matin. Mais ses pas étaient moins erratiques. Elle levait parfois les yeux vers le ciel. Elle sentait à nouveau le goût du café sur sa langue. Elle écrivait. Peu, mais avec sincérité.

Elle retourna sur la jetée, là où il l’avait attendue. Il n’y était pas ce jour-là. Ni le lendemain.
Mais ce n’était pas grave. Il lui avait laissé ce qu’il fallait. La preuve qu’il était possible d’avancer sans renier ce qui a été perdu.

Avant de partir, elle remonta sur la falaise. Le petit cimetière était là, caché derrière un muret de pierres. Le vent y chantait comme il l’avait dit, avec une voix ancienne, pleine d’embruns et de souvenirs.

Elle s’accroupit près d’une tombe sans nom, et, lentement, sortit le galet de sa poche.

Elle le posa contre la pierre, puis murmura :

— Pour toi, Noé. Pour chaque jour où je tiendrai debout.

Puis elle se releva. Elle n’effaça pas ses larmes.
Elle les laissa couler, salées, douces, humaines.

En redescendant le sentier, elle inspira profondément. Le vent lui gifla le visage.
Et, pour la première fois depuis longtemps, elle sourit.



mardi 1 juillet 2025

Les silences d’Adrien



Les hommes victimes de violences conjugales existent. Et qu’ils ont, eux aussi, le droit d’être crus.


Le bruit du portail automatique couvre à peine le claquement sec de la porte d’entrée. Adrien garde les yeux rivés sur son volant. Moteur encore allumé. Doigts crispés. Il pourrait sortir, marcher vers la maison comme n’importe quel homme qui rentre du travail. Mais il sait que ce soir encore, la poignée sera plus lourde qu’à l’accoutumée. Que derrière les volets beiges et les géraniums suspendus, c’est une guerre sans cri qui l’attend.

Les voisins le saluent parfois. "Toujours aussi discret, Adrien." Il sourit. Gentiment. Comme on cache une ecchymose sous une manche repassée.

Ce soir, il reste dans la voiture, moteur coupé, clés serrées dans la main. Il écoute le silence, ou plutôt le bourdonnement dans ses tempes. Dans trois minutes, Léa ouvrira le rideau du salon. Si elle le voit, elle sortira. Et là, ça dépendra de son humeur. Peut-être un reproche froid, ou bien un sourire trop grand, celui qui précède l’explosion. Adrien ne sait jamais.

Le lotissement est calme, propre, presque parfait. Mais lui vit dans l’imperfection de chaque seconde.

Il se décide. Monte les marches. Respire. Une, deux… cinq secondes pour se composer un visage. Il entre.

Léa est dans la cuisine. Pas un mot. Il devine, à la tension de sa nuque, que quelque chose cloche. Il cherche dans sa mémoire : a-t-il oublié le pain ? A-t-il dit quelque chose ce matin ? Un mot de travers ? Un regard ?

La gifle arrive sans prévenir.

Pas forte. Pas violente. Pas cette fois. Juste… humiliante. Adrien baisse les yeux. Il ne bouge pas.

Il a appris à ne pas répondre. À se fondre. À disparaître. Même de lui-même.

Il s’assoit à table. Les pâtes sont froides. Léa ne parle pas. Elle mâche, les yeux fixés sur lui. Il sait qu’il doit dire quelque chose. Mais quoi ? “Merci” ? “Pardon” ? Pour quelle faute, ce soir ?

Alors il tente :
— Tu veux que je réchauffe ?

Elle le regarde. L’air de rien. Puis renverse son verre d’eau.
— Non. Mange froid, ça t'apprendra d'arriver en retard !.

Elle se lève. Quitte la pièce. Adrien reste seul. Il se lève à son tour, prend une serviette, nettoie la table. Le silence pèse. Il lui écrase la poitrine plus que n’importe quel cri.

Dans le couloir, la lumière vacille. Une ampoule fatiguée. Comme lui. Il passe devant le miroir. Son reflet a quelque chose de flou, comme s’il s’effaçait à force de ne plus exister.

Une fois dans la salle de bain, il verrouille. C’est le seul endroit où il peut. Il s’assied sur le rebord de la baignoire, soulève lentement la manche gauche de sa chemise. L’hématome de la veille est toujours là, jaune sale, avec des éclats violacés. Elle l’a poussé contre l’armoire. “Tu me mens.” Il ne savait même pas pourquoi.

Il pourrait parler. Mais à qui ?
Un homme qui dit “Elle me frappe”… Qui le croirait ? Un mètre quatre-vingt, des épaules larges, pas une once d’agressivité. Juste de la peur.

La dernière fois qu’il a tenté de se confier à un collègue, il a vu le regard glisser, fuyant, gêné. Comme si ça ne se disait pas.

Alors il se tait.

Il dort sur le canapé cette nuit-là. Léa a claqué la porte de leur chambre. Adrien s’enroule dans le vieux plaid, sent le tissu râpeux sur son cou. Il s’endort en priant qu’elle dorme avant lui.

Mais à 3h12, il est réveillé en sursaut. Une ombre. Une main qui l’attrape.

— Tu crois que je sais pas que tu fais semblant d’être fatigué pour pas me toucher !

Il tente de parler. De calmer. Elle le gifle à nouveau. Cette fois, plus fort. L'insulte. Puis elle s’effondre en larmes. S’excuse. Lui demande pardon en s’accrochant à son tee-shirt comme une enfant.

Et lui… la prend dans ses bras. Parce que c’est plus simple. Parce qu’il a appris à s’effacer. Même là.



Mais dans ses yeux, ce soir-là, un fil s’est rompu.

Le lendemain, il se lève avant elle. Il fait encore nuit dehors. Le ciel est couleur d’encre. Il enfile sa veste doucement, attrape ses clés sans un bruit. Il ne prend rien d’autre. Ni valise, ni téléphone. Juste lui. Ce qu’il en reste.

Sur le seuil, il se retourne une dernière fois. Tout est à sa place : les cadres au mur, le tapis bien centré, les chaussons qu’elle aligne chaque soir. Tout semble parfait.

Sauf lui.

Il ferme doucement la porte. Et cette fois, il ne s’excuse pas.

Il marche jusqu’à la gendarmerie. Il pousse la porte d’un pas hésitant. Il a peur d’avoir honte, encore. Mais l’agent en face de lui ne sourit pas. Il écoute. Il note. Il demande s’il a besoin d’un certificat médical.

Adrien hoche la tête. Il dit oui.

Puis les mots viennent. D’abord timides. Puis plus nets. Plus précis. Il dit les coups, les insultes, les nuits sans sommeil, les excuses, la terreur. Il dit la honte d’avoir eu honte. Il dit qu’il veut partir. Il dit qu’il veut vivre.

On lui propose un centre. Un avocat. Du soutien.

En sortant, le jour se lève. Et c’est la première fois depuis longtemps que le froid sur sa peau ne ressemble pas à de la peur.

Il ne sait pas ce qu’il fera demain. Mais ce matin, il a choisi d’exister.

Et ça, c’est déjà immense.


Tya M.